Combat de Longevelle-sur-Doubs les 14 et 15 novembre 1944

Le 24 septembre 1944, le commandant adjoint du maquis du Lomont Georges Meyer prend le commandement du Groupe de bataillons du Lomont en repos dans le secteur de Vercel. Cette unité est transformée le 1er octobre en un Régiment dit du Lomont dont deux des trois bataillons, les 4ème et 6ème, vont prendre part à la libération du pays de Montbéliard en novembre 1944.

A partir du 1er novembre, le 4ème bataillon aux ordres du capitaine Ernest Bleyer fait mouvement sur Médière, puis La Prétière, en vue de participer à l’offensive dite du Doubs. Dans la nuit du 13 au 14, il se porte à la Tuilerie de Longevelle-sur-Doubs pour être engagé sur la ligne de feu à 12 heures, heure H du premier jour de l'attaque opérée sur un axe Longevelle-Bavans.

            Dans le froid et le brouillard, balayés par les bourrasques de pluie et de neige, les 456 soldats-F.F.I. appuyés par une section de mortiers, une de mitrailleuses et trois chars-destroyers, participent au nettoyage du village de Longevelle.

            Ils débouchent au nord-est dans la partie de la vallée bordée par une forêt, le bois du Chanois, fortement défendue par des nids de mitrailleuses et des champs de mines. La 11ème compagnie du lieutenant Frédéric Aeberhard occupe la droite du dispositif, entre la rive droite de la rivière Doubs et le cimetière. La 12ème compagnie du lieutenant Roger Lab fait mouvement à sa gauche jusqu’aux lisières du bois du Chanois avec le 5ème régiment de tirailleurs marocains plus au nord. Au cours de la progression interviennent la 10ème compagnie du lieutenant Edmond Joset et la compagnie de commandement du lieutenant Georges Druart.

Témoignage de Léon Mougin, soldat de la 12ème compagnie

« Le barrage d’artillerie se calma, et nous pûmes reprendre notre avance non sans crainte de tomber sur un champ de mines, la configuration du terrain étant particulièrement propice. Nous arrivâmes sur le chemin creux qui se détache de Longevelle vers la gauche. Mais dès que nous abordâmes la crête, s’abattirent des rafales d'artillerie sur la crête opposée, à 30 mètres peut-être. Le tir était donc légèrement trop court, sinon c'était le massacre. Nous traversâmes le chemin, montant sur le talus d’en face et débouchâmes à découvert. Aussitôt, des coups de feu nous accueillirent, tuant à côté de moi mon camarade Louis Coillot de Beaucourt, père de quatre enfants. Les chars intervinrent à nouveau.

Mais la nuit tombait. Nous reçûmes alors l'ordre de nous replier dans les premières maisons de Longevelle jusqu'au lendemain matin, afin de nous reposer et de sécher nos vêtements complètement trempés. Mais les maisons étaient minées. Mon cousin Gilbert Helle fut blessé mortellement par une cuisinière qui explosa à son côté. La cuisse broyée, il mourut quelques jours plus tard à l’hôpital de Besançon. J'entrai dans une maison avec quelques camarades : sur la cuisi­nière, était déposé un petit fagot de bois sec, ce qui semblait bien lou­che. Mieux valait s'en écarter. Dans la chambre, nous allumâmes du feu non sans précautions, pour sécher nos vêtements. Mes camarades s'endormirent rapidement. Chose curieuse, je n’éprouvais aucune fatigue et me sentais comme grisé par les événements dramatiques que nous venions de vivre. Je décidai donc de veiller toute la nuit, dans la crainte d'une contre-attaque toujours possible. C'est ce qui se produisit à Ecot, sur l'autre rive du Doubs, où se livrèrent toute la nuit des combats au corps à corps, acharnés et meurtriers.

Ainsi se termina la journée du 14 novembre 1944, qui marqua la rupture du front et préluda à la libération de notre région. Pour nous, combattants de première ligne, elle aboutissait, dans notre petit secteur, à la libération de Longevelle et à une reconquête de 3 km de territoire. Hélas, le lendemain, avant de reprendre notre avance, nous saluions la tombe de neuf camarades enterrés dans le cimetière tout proche de La Prétière. »

L’objectif - fixé aux lisières ouest du bois du Lieutaut et du bois de la côte de Bellay - est atteint vers 17 h 30.

Le 4ème bataillon s’installe en position défensive pour la nuit. Il est relevé au cours de la journée du 15, non sans avoir essuyé de lourdes pertes causées par l'artillerie, les mortiers, également les mines que l'ennemi a placées partout, y compris dans les maisons de Longevelle.

Avec 40 blessés, 4 malades et 14 tués, dont 3 décédés de leurs blessures, le bataillon a perdu plus de 12 % de son effectif en moins de 48 heures. L’examen des dossiers des 14 victimes montre qu’elles sont originaires du pays de Montbéliard : quatre d’Audincourt, deux de Beaucourt, une pour chacune des localités suivantes : Arbouans, Beaulieu-Mandeure, Hérimoncourt, Montbéliard, Seloncourt, Valentigney, Vandoncourt.

Quelle est la moyenne d’âge de ces combattants morts pour la France ? Trente-trois ans : en étudiant les différentes composantes des Forces du Lomont, nous avions observé que c’étaient les hommes de 30 à 40 ans qui étaient les plus nombreux à avoir gagné le maquis. 

Au cours du mois de septembre 1944, nombreux ont été les maquisards du Lomont à s’engager pour la durée de la guerre dans les unités de l’armée française qui se sont succédées dans le Doubs.  Quant aux soldats-F.F.I. du régiment du Lomont, ils ont pris part à la libération des villes et villages qui leur sont chers ; dans la période du 22 au 24 novembre, ils devront choisir entre un engagement dans l'armée régulière, une intégration dans un bataillon de gardes-frontière ou la démobilisation. 

A l’initiative de l’association MSRLPM, une stèle a été inaugurée le 13 novembre 2010 à l’emplacement du combat mené par le 4ème bataillon du régiment du Lomont. Sur un texte élaboré par l’auteur du présent article, elle rend hommage aux hommes de cette unité tombés les 14 et 15 novembre 1944.

Jean-Pierre Marandin

Source : Le Pays de Montbéliard 1944, lutte armée et répression. Résistances 1940-1944. Jean-Pierre Marandin, éditions Cêtre, Besançon, 2005, 264 pages.

Date de dernière mise à jour : 25/05/2022