Samedi 31 août et dimanche 1er septembre 2024, le village de Chamesol a célébré les 80 ans des opérations aéroportées qui se sont déroulées sur « ses terres », alors que le maquis du Lomont se mettaient en place sur le plateau. La mise en œuvre et la réussite de ces opérations de parachutages étaient décisives pour le développement du maquis et sa survie, face au danger que constituait l’armée Allemande, prête à en découdre avec les maquisards. Entre le 25 août et le 6 septembre 1944, ces largages de matériel et d’homme se sont souvent déroulés dans des conditions météorologiques exécrables, un ciel tourmenté par l’orage, des vents violents et des pluies abondantes, une visibilité nulle et bien sûr, sans moyen de géolocalisation. Tous les parachutages n’ont pas atteint leurs buts, mais on peut qualifier d’exploits, ces opérations périlleuses menées par ces courageux pilotes de la Royal Air Force, aux commandes des imposants bombardiers Stirling transformés en gros-porteurs pour ces missions de ravitaillement destinées à la résistance française. Avec vingt gros-porteurs Stirling, cinquante-trois tonnes de matériels approvisionneront le maquis en ressources essentielles, et quatre-vingt-sept soldats aguerris viendront renforcés l’effectif des maquisards en poste au Lomont, neuf y laissant la vie dans les semaines qui suivent.
Une stèle érigée en 2019 aux abords de la vaste plate-forme de 1,5 km de long et 500 m de large, constituant la zone de largage dite de "La Fin-dessous", à la sortie du village, nous rappelle ces douloureux événements. C’est à cet endroit, qu’Emmanuel Saulnier, Maire de Chamesol, a choisi de commémorer le 80ème anniversaire de ces parachutages. Et pour encore plus marquer l’événement, durant tout un week-end, le centre du village a remonté le temps, en se parant de couleur kaki avec l’exposition de plusieurs véhicules militaires et la reconstitution d’un poste de secours version 1944, avec son personnel soignant de l’époque, rôles parfaitement interprétés par les membres de l’association « Alsace 45 », en uniformes de circonstance. On s’y serait cru !
Cette manifestation s’inscrivait dans le cycle des commémorations relatives à l'épopée du maquis du Lomont. Notre association "Mémoire et Souvenir de la Résistance du Pays de Montbéliard et du Lomont" y a participé activement. Tout d'abord avec Jean-Pierre Marandin, notre historien et co-fondateur de notre association, qui a animé deux conférences dans la salle des fêtes du village, abordant deux thèmes différents : « Le maquis et les opérations aériennes sur le plateau de Chamesol – Montécheroux » et « Entre mémoire et histoire, les débuts de la Résistance et les passages de la frontière. » Alors que durant ce week-end patriotique, l’exposition permanente de véhicules militaires animée de reconstitutions servait de toile de fond à la manifestation, la commémoration proprement dite s’est déroulée devant la stèle des opérations aériennes le samedi après-midi à 15h, avec comme maître de cérémonie, le lieutenant-colonel (h) Raymond Pépier, notre trésorier, qui conduira avec rigueur un cérémonial conforme aux exigences de l’hommage à rendre.
Dans l’enceinte de la stèle, les associations patriotiques avec leurs porte-drapeaux étaient fort bien représentées. On relèvera notamment l’importante délégation des anciens parachutistes de la section de Bethoncourt, avec leurs chemises blanches et bérets rouges, aux côtés des élus, des représentants de la gendarmerie et des pompiers. Un public nombreux s’était également joint à la commémoration, très recueilli durant le cérémonial, ce dernier étant interrompu un instant, lorsque six parachutistes de l’aérodrome de Courcelles-les-Montbéliard se posaient en bordure de champ à l’heure dite et à l’endroit prévu, pour venir rejoindre la cérémonie, en mémoire des 87 parachutistes largués sur zone il y a 80 ans.
De toutes les prises de paroles, nous retiendrons celle de Mr le Maire de Chamesol :
Références historiques : pour les opérations aériennes sur le plateau de Chamesol, se reporter au chapitre VII de l’ouvrage Le Dernier des grands maquis de France. Le Lomont, août-septembre 1944, de J.-P. Marandin (cité en bibliographie)
« Monsieur le Député, Monsieur le Conseiller départemental, Madame et Monsieur le Maire, Mesdames et Messieurs les représentants des autorités civiles, militaires et associatives, Mesdames et Messieurs. Chers amis, Nous voici tous réunis aujourd’hui pour célébrer le souvenir des Parachutages et de la Libération, où Chamesol a rendez-vous avec l’Histoire.
Le 06 juin 1944, les Alliés débarquent en Normandie. Le 15 août 1944, c’est le débarquement en Provence. La libération de la France et de l’Europe a commencé. Celle de la Franche-Comté aussi. Chamesol, Montécheroux et Liebvillers font partie des 1ers villages libérés du Doubs le 23 août 1944. L’arrivée des troupes régulières du Maréchal de Lattre de Tassigny se fait le 06 septembre 1944. Dès la libération des 3 villages, on renoue avec les symboles patriotiques : levée des couleurs, sonnerie du clairon, affluence des villageois et des FFI lors des obsèques de maquisards victimes au combat, linceuls tricolores fabriqués à partir de toiles de parachutes apposés sur leurs cercueils. Des instants émouvants pour la population mais qui ne doivent pas faire oublier le risque de représailles !
On compte d’ailleurs beaucoup de blessés à soigner le long du front stabilisé. Une antenne chirurgicale est installée dans le village libéré de Chamesol, au rez-de chaussée de la mairie. Grâce au personnel médical présent sur place (chirurgien pharmacien, infirmières), ce poste constitue la 1ère étape de la chaîne d’évacuation, avant notamment le transfert vers l’hôpital de Porrentruy. Cet hôpital de campagne sera remplacé en octobre 1944 par un corps d’ambulancières de la 2ème section du 25ème bataillon de la 9ème DIC, formées en Algérie, incorporées dans l’Armée française et qui ont élu domicile à l’école de Chamesol. Entre le 25 août et le 15 septembre, l’antenne de Chamesol traite 92 cas dont 54 blessés par balles. A partir du 6 septembre, elle assure les urgences de l’armée régulière jusqu’à leur prise en charge définitive par l’antenne chirurgicale de la Première Armée.
Mais revenons donc un peu en arrière, de quelques jours seulement… Au lendemain du débarquement de Provence, le maquis du Lomont s’est mis en place. Jusqu’au 19 août, des résistants et des FFI de toute la région montent vers Liebvillers, Montécheroux et Chamesol. La montée se fait de jour comme de nuit. Parmi ces hommes se trouvent quelques rescapés du maquis d’Ecot. La vocation du maquis du Lomont est de servir de tête de pont pour les combats de la libération. Mais pour cela, il faut apporter des moyens à ce maquis qu’il convient de renforcer.
5 nuits de parachutages vont avoir lieu sur le plateau du Lomont, dont la plus importante dans la nuit du 31 août au 1er septembre. L’opération Stockbroker 24 est lancée. Il faut imaginer la complexité de l’organisation d’une telle opération à l’époque. Un parachutage massif de nuit, assuré par des avions quadrimoteurs Stirling de la RAF (Royal Air Force) est programmé.
Ces avions, d’une exceptionnelle manœuvrabilité peuvent transporter jusqu’à 24 containers et deux paquets pour un tonnage de 3 900kg. Des feux, qui doivent être visibles par les équipages, sont allumés par les villageois et les maquisards à l’aide de fagots et de branches de sapin pour délimiter cette vaste étendue qu’est le terrain de la Fin Dessous, ici précisément où nous sommes, où doivent avoir lieu les largages. Mais voilà…cette nuit-là, les conditions ne sont pas optimales : plafond nuageux bas, trombes d’eau, coups de tonnerre et brouillard épais. Sur place, l’attente se prolonge mais finalement… l’opération est maintenue. On peut entendre de nombreux messages à la BBC le jour du 31 août « Eclairez bien. Il faut réussir à tout prix. Nous comptons sur vous. » Retentit aussi à la BBC la phrase qui indique que l’opération aura lieu « Le fermier a assommé son chat. Lettre Quasimodo. Nous disons : le fermier a assommé son chat. Lettre Quasimodo » qui rappelle au chef de terrain qu’il devra émettre la lettre code morse « Q » à l’approche des appareils. A 22h55, le 1er Stirling, propulsé par 4 moteurs de 1640 chevaux et volant à 320km/h autour de 16 500 pieds soit 5 400 mètres, s’envole de Londres.
Vers 2h20, les 1ers ronronnements des moteurs sont perçus et peu à peu des bruits sourds annoncent les 1ers containers s’échouant au sol. Au total, ce sont 18 avions qui doivent survoler la zone, 8 vont identifier le terrain d’où les 188 voilures de parachutes apparaissent dans le ciel tourmenté : 53 tonnes de matériel sont larguées (armement, munitions, vivres, médicaments, argent) ainsi que 87 hommes, des SAS (Special Air Service), en très grande majorité des Français, engagés dans les Forces Françaises Libres, formés et entraînés aux actions commandos sur le sol anglais, débarquant avec un équipement moderne et impatients de fouler enfin le sol de leur patrie pour se battre contre l’ennemi qui les redoute. Toute cette aide logistique « tombée du ciel » permet au maquis du Lomont de grossir rapidement de 800 à 3 200 hommes en lui apportant les moyens de combattre.
Je vous laisse donc juger de l’importance de ces Parachutages pour la résistance et le maquis du Lomont. La cérémonie de ce jour nous rappelle permet qu’il ne faut pas oublier et qu’il convient de rendre hommage à tous ces combattants. »
Sans oublier l’intervention de Mr le Maire Honoraire Charles Morel :
« Chers amis, personnalités, civils et militaires. A cette grande famille des parachutistes dont je suis fier de faire partie, on peut dire que cette commémoration de ce 31 août est votre journée. En effet, nous sommes rassemblés pour commémorer les 80 ans des parachutages de la libération. Ce rendez-vous, nous le devons à notre Maire, mon ami qui, avec toujours le même patriotisme, a voulu rassembler pour ne pas oublier. Merci à toi Emmanuel.
Pour ne pas oublier ce qui s'est passé, précisément à l'endroit où nous sommes, il a été construit une stèle. Le mérite de la construction de cette stèle revient pour beaucoup à notre grand historien Jean-Pierre Marandin, qui nous a conseillé et nous a guidé. Jean-Pierre, vous avez déjà pu l'écouter ce matin en conférence et vous pourrez de nouveau le rencontrer demain dimanche après midi, cette cérémonie étant prévue sur 2 jours. Premier rendez-vous avec Jean-Pierre, septembre 2017, à l'occasion de la cérémonie au monument du Lomont. En septembre 2018, je l'invitais à une réunion de Conseil pour nous expliquer quel type de monument, quelle possibilité de financement. Rapidement, il nous faisait parvenir un projet dessiné à titre gratuit par son beau frère Maurice Muciatti, architecte. Et un an après, le 16 novembre 2019, inauguration en présence de nombreuses personnes, civils et militaires. Emmanuel ayant très bien résumé l'historique de ces parachutages et pour ne pas prolonger, permettez moi néanmoins d'avoir une pensée pour le colonel Baguerey, décédé en mai dernier, un grand militaire. Combien de fois je l'ai rencontré à Chamesol vers cette Stèle, où il venait avec des collégiens du Pays de Montbéliard ou du secteur de Maiche, leurs expliquer cette page d'histoire. Notre village a été marqué par d'autres événements durant cette Guerre, qui a été rappelés à l'occasion du centième anniversaire de notre monument, ce samedi 18 mai dernier. Et aujourd'hui, nous vivons un de ces événements parmi tant d'autres, dans le recueillement de ce qui a été vécu. »
La journée du samedi 31 août s’est achevée par un magnifique concert donné en l’église de Chamesol par la chorale de la vallée de l’Écrevisse, qui a interprété son répertoire de chants militaires, rejoint en fin de concert par Charles Morel, nous offrant ainsi un superbe bouquet final, avec une tonitruante « Madelon » qui a enchanté toute l’assemblée.
Un grand merci à la municipalité de Chamesol pour cette remarquable initiative.
Date de dernière mise à jour : 09/10/2024