Galerie photos conférence Jean-Pierre Marandin 

Galerie photos de la cérémonie  /  Montage vidéo sur la cérémonie

Fichier son du discours de Jean-Pierre Marandin, lecture par Annie

Samedi 16 novembre 2019 - Inauguration de la Stèle aux Opérations aériennes de Chamesol

Le samedi 16 novembre 2019, plusieurs membres de Mémoire et Souvenir de la Résistance du Pays de Montbéliard et du Lomont se sont retrouvés à Chamesol dans le Doubs pour participer à l'inauguration de la stèle aux opérations aériennes, aboutissement d'un projet porté par Jean-Pierre Marandin l'historien de notre association, et Charles Morel, le maire du village. Revenons sur cet événement…

En préalable, un petit rappel : depuis 4 ans, c'est l'Occupation. La France est sous le joug de l'Allemagne nazie. En 1944, Chamesol est un petit village de l'est de la France d'environ 400 âmes, jouxtant la frontière suisse, établi sur un large plateau calcaire à une altitude moyenne de 700 mètres. Surplombant la vallée du Doubs à la pointe nord de la chaîne du Lomont dans le massif du Jura, le plateau de Chamesol-Montécheroux, dans cette période troublée, offre à la résistance locale une véritable place forte naturelle et va lui permettre de s'engager dans la lutte contre l'occupant, en vue de la libération du territoire. A partir du 16 août 1944, ce plateau accueille les premiers résistants montés de la vallée, qui forment l'avant garde du futur maquis du Lomont, maquis qui ne cessera de croître en effectif jusqu'au 6 septembre, date de la jonction avec la 1ère armée française. 

En 1944, Keevil dans le comté de Wilt au sud-ouest de l'Angleterre est un village d'environ 400 âmes également, qui héberge dans sa périphérie une importante base aérienne de la Royal Air Force, utilisée notamment par le 299ème escadron de bombardiers Short Stirling, dont les missions ont été réorientées vers le parachutage d'agents, de matériel et de vivres pour soutenir les mouvements de résistance en Europe. 

Du 25 août au 6 septembre, les destinées de ces deux villages, distants de 800 kilomètres à vol d'oiseau, se retrouvent dans l'élaboration d'un projet commun : la mise en œuvre d'une vaste opération aérienne pour approvisionner en hommes et en matériel le maquis naissant. Durant ces mémorables journées, en décollant de la base de Keevil, les formations de gros-porteurs Stirling dessinent dans les cieux français, les volutes traçant les voies qui aboutissent, au cœur de la nuit et au terme d'un trajet de près de 4 heures de vol, à l'aplomb de la zone de largage dite : "La Fin-dessous" à la sortie du village de Chamesol, pour parachuter sans moyen de géolocalisation, dans l'obscurité et au cœur des intempéries, leurs précieuses cargaisons. 

Pour marquer l'importance de cette initiative mémorielle, en prélude à l'inauguration du monument prévue le samedi 16 novembre 2019 après midi, la municipalité de Chamesol nous avait convié le mercredi soir 13 novembre, dans la petite salle des fêtes du village, à une conférence animée par Jean-Pierre Marandin, dont le thème était la présentation des faits relatifs à ces événements historiques qui ont tant marqué la mémoire collective des communautés du plateau. Très appréciée, cette conférence a permis d'éclairer avec objectivité cette histoire encore souvent méconnue du maquis du Lomont.

Il y avait foule, en ce début d'après-midi du samedi 16 novembre, au lieu-dit de "La Fin-dessous", pour commémorer ces actes héroïques et honorer la mémoire des braves, qui ont perdu la vie dans ces combats meurtriers. C'est un large rassemblement de personnes de tous âges, ayant répondu "présent" à l'invitation de la mairie, qui ont convergé des alentours en direction du lieu de mémoire.

Terre-plein encore inachevé, revêtu d'un blanc tout-venant, fondu dans la verte prairie et situé en bordure du chemin, ce fondement accueille la stèle aux opérations aériennes, dissimulée à nos regards par un filet de camouflage anti-aérien de l'époque. Se joignant à Jean-Pierre Marandin et à Charles Morel les promoteurs du projet, ainsi qu'aux enfants et enseignants de l'école du village, aux villageois et aux nombreux porte-drapeaux et représentants des associations patriotiques, nombreuses sont les personnalités de la représentation civile et militaire qui ont fait le déplacement pour partager avec la population ce devoir de mémoire et d’histoire.

Après le mot d'accueil du maire de Chamesol, les prises de paroles se succèdent. Devant le monument enveloppé de son filet protecteur, après avoir mentionnés les faits historiques, Jean-Pierre Marandin, puis le major Théodorakakis, la présidente du conseil départemental Christine Bouquin et le président de la section de Bethoncourt de l'Union nationale des parachutistes Gabriel Tirode, témoignent de l'importance de la concrétisation de cette réalisation, et de leur satisfaction de pouvoir constater qu'aujourd'hui, ici même en ce lieu de résistance, ce projet ait pu aboutir grâce à la détermination de ses promoteurs et le soutien indéfectible de ses commanditaires.

Pour l'histoire, revenons un instant sur l'intervention de Jean-Pierre Marandin.

Discours prononcé par Jean-Pierre Marandin, le 16 novembre 2019, lors de l’inauguration du Monument aux Opérations aériennes de Chamesol (Doubs).

Bonjour Mesdames, bonjour Messieurs, chers enfants.                              

C’est avec une émotion sincère que je prends la parole, ici, devant vous. Je voudrais en premier lieu exprimer ma joie profonde à la vue de ce monument qui vient inscrire de façon pérenne un passé déjà lointain dans un avenir par définition inconnu, ensuite remercier la Municipalité de Chamesol pour avoir souscrit au projet que je lui ai proposé par courrier au printemps 2018. Merci à monsieur le Maire de la commune, Charles Morel, à son premier adjoint, Sylvain Poupeney, de l’avoir mis en œuvre avec efficacité et rapidité au cours de ces derniers mois.

A l’origine de l’hommage public qui se dresse désormais, au lieu-dit La Fin-Dessous, mentionnons les recherches historiques que j’ai menées aux Archives nationales à Londres dans les fonds Air, ceux de la Royal Air Force. Les débats qui ont agité les milieux résistants, sinon historiens, pendant des décennies sur l’armement du maquis du Lomont ne reposaient sur aucune donnée précise : dans les premiers jours passés sur ce plateau d’altitude, arrivée de combien de camions transportant du matériel parachuté, puis entre le 16 août et le 6 septembre 1944, réception de combien de parachutages ? Le nombre d’avions ayant alimenté en armes le maquis entre ces deux dates faisait question. Cinq, huit avions, tels étaient les chiffres avancés. Les réponses sont aujourd’hui données avec certitude, les faits établis et portés à la connaissance du public : 20 avions, 87 parachutistes, 53 tonnes de matériel, ceci avant le 6 septembre au matin.

Rappelons ce que nous sommes venus commémorer, ici, sur les lieux même où il y a trois quarts de siècle des hommes ont volontairement pris les armes et, au prix de leur vie, ont lutté pour le retour des libertés fondamentales, celles que garantit aujourd’hui notre République.

D’abord, quelques données géographiques qui seront autant d’éléments de contextualisation.

  • Dans la direction du sud, l’ATTENTE emplie d’espérance : à 700 km d’ici, les rivages de la Méditerranée où débarquent les troupes majoritairement françaises le 15 août 1944, et au lendemain de ce débarquement la mise en route du plan Lomont, la création d’un puissant maquis qui vient à son heure, celle décidée par les états-majors londoniens ;
  • Au nord, la FOI PATRIOTIQUE : les espaces urbanisés et peuplés avec Montbéliard-Belfort-Héricourt d’où affluent les patriotes, près de 800 dans les premiers jours du maquis, 3200 au 6 septembre ;
  • A l’ouest : l’ANCRAGE, les terres libérées par les maquisards entre le 16 et le 23 août, les villages de Chamesol, Montécheroux, Liebvillers, les premiers dans le Doubs à recouvrer la liberté ;
  • A l’est, la Suisse neutre : le REFUGE dans le second conflit mondial, une porte de sortie pour les maquisards.

N’oublions pas, au-dessus de nos têtes, la voie des airs, et l’aide militaire tombée du ciel. Deux monuments déjà permettaient aux visiteurs de se remémorer les événements, sinon d’aller plus loin dans la connaissance de l’histoire : le Monument du 22 août à proximité de la ferme Jonathan, le Monument du maquis au Passage de la Douleur. Cette 3ème réalisation architecturale rappelle à tous les opérations aériennes au profit du maquis du Lomont par les puissances alliées : le Royaume-Uni avec les squadrons de la Royal Air Force qui ont réalisé tous les parachutages sur le plateau avant l’arrivée  de l’armée du général de Lattre de Tassigny, les USA avec les équipages des forces aériennes en action à partir de la nuit du 8 au 9 septembre, enfin la France représentée ici par une compagnie de parachutistes SAS, des Français libres, de ceux qui ont rejoint le général de Gaulle suite à son appel du 18 juin 1940, la France encore incarnée par les villageois de Montécheroux-Chamesol et les maquisards qui constituent les comités de réception lors des nuits de parachutages et de ramassage.

Evoquons brièvement la nuit du 31 août au 1er septembre 1944, celle où la promesse faite fin juillet aux responsables régionaux de la Résistance, un largage massif de matériel, est tenue. Pour cette 4ème nuit de parachutage entrant dans le cadre des opérations codées Stockbroker 24, l’émission française de la B.B.C. a diffusé à 19h30 le message suivant : « Le fermier a assommé son chat ». A 22h55, à l’heure allemande de Chamesol, les premiers bombardiers Stirling ont déjà pris l’air au Royaume-Uni pour un vol aller-retour de 7 à 8 heures. Ils sont 18 à s’envoler pour le Lomont cette nuit-là, ce qui en fait une opération d’une exceptionnelle ampleur, les autres parachutages massifs pour approvisionner la Résistance française se déroulant de jour. A Chamesol, l’attente se prolonge. Vers 2h20, les premiers ronronnements de moteurs sont perçus par les hommes aux aguets. Les trente tonnes du premier avion défilent à 200 km/h, à 150 mètres d’altitude seulement. Sept appareils vont larguer leur chargement, un huitième le sien en partie : 188 voilures de parachutes vont se déployer cette fameuse nuit à l’est du village, et pourtant cela correspond à un demi-échec. N’oublions pas les problèmes mécaniques qui obligent les avions à faire demi-tour. Par erreur, deux avions ont largué en Suisse, un autre à Sancey-le-Long : les parachutages ont concerné cette nuit-là une zone qui s’étend sur plus de soixante kilomètres d’est en ouest ! Les containers et les colis largués à des altitudes très variables sont éparpillés sur une grande distance. Le ramassage dure toute la journée du 1er septembre. Ce jour-là, de nombreux patriotes vont enfin recevoir une arme et gagner le statut de combattant armé.

Pour terminer cette rapide évocation, je voudrais non pas formuler un vœu, mais fixer un objectif précis : la réalisation d’un « Circuit des mémoires et de l’histoire de la Résistance » sur ce plateau du Lomont. La pierre du souvenir inaugurée ce jour en sera une étape, de même par exemple qu’une déambulation jusqu’à la frontière suisse, à trois kilomètres, sur les pas de personnalités aussi éminentes que Paul Langevin, Irène Joliot-Curie, et de ceux qui les ont aidés à franchir clandestinement la frontière sous l’Occupation.

Je vous remercie.                                                 

Bibliographie : Le Dernier des grands maquis de France. Le Lomont, août-septembre 1944, Jean-Pierre Marandin, Editions du Sékoya, Besançon, réédition 2018, 230 pages.

Date de dernière mise à jour : 08/10/2021