Si vous souhaitez accéder au montage vidéo, cliquez ICI ou à la galerie photos, cliquez ICI

19 août 2024 - Commémoration des événements du 14 août 1944 à Liebvillers

Ce lundi 19 août 2024 à 11h du matin sur la place du joli petit village de Liebvillers, dite "La place du 19 août 1944", il y avait beaucoup de monde qui convergeait vers ce lieu de mémoire, pour honorer les victimes des événements dramatiques survenus en ces lieux, il y a tout juste quatre-vingts ans. Alors que, depuis le 17 août, le maquis naissant prenait ses quartiers sur le plateau de Montécheroux - Chamesol, des centaines de patriotes du Pays de Montbéliard, de la Haute-Saône et du Territoire de Belfort rejoignaient le Lomont par tous les moyens de locomotion possibles, empruntant les multiples voies d'accès menant au Plateau. Mais cette importante migration avait fini par attirer l'attention de l'armée d'occupation. En réaction, les Allemands investirent Liebvillers le 19 août 1944, le village étant positionné sur un des axes stratégiques d'accès au maquis, cette intervention rapide et brutale portant un coup sévère aux jeunes maquisards de la première heure postés dans le secteur.

Ce 19 août 2024, il s'agissait donc de revenir quatre-vingts ans en arrière pour se remémorer les péripéties de cette première journée de combats, qui préfacent en lettre de sang le grand livre de l'épopée du maquis du Lomont. Il faut effectivement garder en mémoire ces événements tragiques, qui ont marqué en profondeur l'histoire de ce petit village paisible, qui honore encore aujourd'hui la mémoire des victimes de la barbarie nazie lors de cette rude journée d'escarmouches, et qui salue le courage de ces résistants locaux, dont le baptême du feu, pour certains, s'est révélé funeste.

Les participants à la cérémonie partageaient une même pensée pour le grand absent du jour, notre cher regretté lieutenant-colonel Baguerey décédé récemment, Président de Mémoire et Souvenir de la Résistance du Pays de Montbéliard et du Lomont, qui avait fait de cette commémoration, le point de départ du cycle des commémorations qui honorent le sacrifice des maquisards du Lomont.  En son absence, c'est le lieutenant-colonel (h) Raymond Pépier, le Trésorier de l'association MSRPML, qui officia en tant que Maître de cérémonie, partageant ses interventions avec Catherine Racine, Maire de Liebvillers, à qui revint la tâche de prononcer le mot d'accueil et de rappeler le récit de cette sinistre journée.  

Sur l'esplanade où se dresse le monument aux morts du village, treize porte-drapeaux s'étaient positionnés autour de la stèle, alors qu'à droite, quatre musiciens de la vigilante d'Audincourt avaient installé leurs pupitres.

A la gauche du monument, parmi les autorités civiles et militaires, les élus et les représentants des associations patriotiques ; aux côtés de Monsieur Thierry, le fils d'Alphonse arrêté ce jour-là, déporté et revenu de déportation, de Gertrude Bourquin la maire honoraire du village et de Marcel Anthoine le Président de MSRPML et représentant de l'Ordre National du mérite, on pouvait relever la présence de (du) :

  • Sylvie Siffermann (Sous-Préfète de Montbéliard),
  • Matthieu Bloch (Député de la 3ème circonscription du Doubs),
  • Jean François Longeot (Sénateur du Doubs),
  • Arnaud Marthey (Conseiller Régional et maire de Baume-les-Dames),
  • Magali Duvernois (Conseillère Départementale et maire d'Exincourt),
  • Franck Vuillemin (Président de la Communauté de communes du Pays de Maîche et maire de Frambouhans),
  • André Péquignot (Président des anciens combattants de Pont de Roide),
  • Le Capitaine de gendarmerie Peter Munière, second du Commandant de la compagnie de Montbéliard, et l'Adjudant Chef Sébastien Callay, adjoint du Major Figuière commandant de la brigade de Pont de Roide - Vermondans.

ainsi que la présence de nombreux Maires dont  :

  • Emmanuel Saulnier (Maire de Chamesol)
  • Léon Bonvalot (Maire de Montécheroux)
  • Francine Miseré (Maire de Vauffrey)
  • Pierre-Jean Wycart (Maire de Fournet-Blanche Roche).

La population était venue également nombreuse pour assister à l'hommage.   

Il commanda un vibrant hommage aux Morts composé :

  • en premier lieu, d'un important dépôt de sept compositions florales au pied du monument :
    • la gerbe de Mémoire et Souvenir de la Résistance du Pays de Montbéliard et du Lomont par le Président de l'association Marcel Anthoine,
    • la composition florale déposée par le fils d'Alphonse Thierry,
    • la gerbe du Député Matthieu Bloch déposée avec le Sénateur Jean François Longeot,
    • la gerbe du conseil régional déposée par Arnaud Marthey,
    • la gerbe du Département déposée par Magali Duvernois,
    • la gerbe de la municipalité de Liebvillers par Mme le Maire Catherine Racine accompagnée d'un enfant du village,
    • la gerbe de l'Etat déposée par Mme Sylvie Siffermann Sous-préfète de Montbéliard accompagnée d'un petit enfant.
  • suivi d'un touchant appel des noms des 9 Morts pour la France, en souvenir :
    • des deux tués le 19 août : Pierre Tissot et Charles Ribolzi,
    • des sept capturés, déportés et morts en déportation : Camille Amiot, Fritz Eiseli, Jean Huguel, Georges Grosclaude, Jacques Oudot, Gaston Tournoux, François Yagues.

Cette commémoration empreinte de solennité se termina par les traditionnels remerciements aux Porte-drapeaux, aux musiciens et à toutes les personnes présentes, avant que nous soyons conviés par Mme Racine à nous retrouver dans la salle communale pour partager un sympathique verre de l'amitié.

Sans nul doute, que le lieutenant-colonel Baguerey aurait été fier de cet hommage.

(1) Discours de Catherine Racine Maire Liebvillers

Madame la Sous-Préfète, Monsieur le Député, Monsieur le Sénateur, Monsieur le Président de la CCPM, Mesdames et Messieurs les Représentants des armées, Mesdames et Messieurs les portes drapeaux, Monsieur le Colonel, commandant adjoint de la gendarmerie de Besançon, Mesdames et Messieurs les Maires, Mesdames et Messieurs en vos titres, grades, charges, fonctions et qualités,

Chers amis, Monsieur le Préfet, Madame la Sénatrice, Madame la Présidente du Département retenus par d’autres obligations ne peuvent être parmi, Merci pour votre présence aujourd’hui.

Aujourd’hui j’ai une pensée émue pour le Colonel Baguerey, disparu le 29 mai de cette année. Président de Mémoire et souvenir de la Résistance du pays de Montbeliard et du Lomont, Président des combattants républicains du Doubs. Le colonel était un narrateur passionné et intarissable. Sous une température de 40° ou sous la pluie, on ne l’arrêtait pas. Il a permis que cette cérémonie du 19 août figure parmi les manifestations patriotiques du Lomont. Son souvenir restera longtemps dans nos mémoires. 1994 – 2024 depuis 30 ans nous nous retrouvons sur cette place. De très nombreux passeurs de souvenirs se sont succédés ici, relatant leur guerre et la résistance, Ils nous quittés mais nous continuons. Ne jamais oublier. C’est Me Bourquin alors maire qui célébrait la première cérémonie. Toujours fidèle, elle nous accompagne aujourd’hui. La grande histoire relate la Résistance en France, nous avons tous lu des livres, entendus nos professeurs d’histoire, écoutés des émissions, vu des films… Mais dans nos villages, les faits de résistance se sont quelques fois, enfouies dans l’oubli ou sont restés inconnus. Le 19 août 1944 à Liebvillers est un de ces faits, dont nous devons nous souvenir. En voici le récit transmis par ceux qui l’ont vécu, avec leur vérité.

A partir du 6 juin 1944, les maquis s’organisent en France, dans notre secteur : le maquis d’Ecot et le maquis du Lomont. Le maquis d’Ecot est en parti décimé le 8 juillet 44. De nombreux actes de résistance ont alors lieu entre le 8 juillet et le 17 aout 44. Durant le mois d’aout 44, le Maquis du Lomont se met en place, il comptera jusqu’à 3200 hommes et femmes. Sa vocation étant de servir de tête de pont pour les combats de la libération. Entre le 15 et le 19 aout 44 : Des résistants et des FFI de toute la région montent au Lomont, sur le plateau de Montécheroux et dans les forêts de Liebvillers. La montée se fait individuellement ou par groupe, de jour comme de nuit. Parmi ces hommes, se retrouvent des rescapés du maquis d’Ecot qui s’installent dans les bois de Liebvillers. Tandis que des groupes de Bart et de Sochaux se regroupent dans la combe, à la sortie de Noirefontaine et montent au « Roulet » près de Montécheroux y établir leur camp. Ils ne disposent que d’une mitraillette et de deux grenades.

Le 19 août au matin, une patrouille descend à Liebvillers en reconnaissance afin de s’assurer que ses habitants sont disposés à fournir eau et ravitaillement. Dans l’après-midi du 19 aout, deux groupes de volontaires se constituent : la corvée d’eau : chargée du ravitaillement et la corvée d’armes : chargée de récupérer des armes parachutées par avion au fort du Lomont. Mais entretemps, alerté par les nombreux va et vient dans le secteur, les Allemands sont arrivés à Liebvillers et ont pris deux otages (Anatole Girardot, l’Adjoint au Maire et Samuel Beaudroit, l’Instituteur). Ceux de la corvée d’eau composée de six hommes, tous originaires de Dung, débouchent, confiants et sans armes, en bas de la charrière au lieu-dit « le Vivier » à quelques mètres d’ici. Marcel Clerget, Fritz Eiseli, Julien Fichot, Georges Grosclaude, Alphonse Thierry, Gaston Tournoux, se retrouvent prisonniers et ligotés sur un camion réquisitionné par l’occupant, en plein soleil, au centre du village. Bravant les interdictions des Allemands et n’écoutant que son cœur, Henriette Racine, jeune femme du village, leur apporte de l’eau. Guidé par un des prisonniers, les allemands montent au « roulet » et tombent sur la corvée d’armes. Une fusillade éclate : Pierre Tissot est le premier tué du Lomont, Jacques Charpiot, Paul Montagnon, Jacques Oudon sont fait prisonniers. Témoin de cette attaque, Alexis Rose, jeune homme du village est contraint d’enterrer Pierre Tissot. Les 9 prisonniers sont embarqués en direction de Belfort pour y être interrogés, 7 ne reviendront pas. En chemin, à Nadam, 5 résistants échappés de la fusillade sont à leur tour arrêtés. A Noirefontaine : un autre groupe de résistants est pris à partie : 1 est tué et 6 sont prisonniers.

Au total pour cette seule journée du 19 aout 44, 2 résistants sont tués, 20 sont prisonniers et envoyés dans des camps de concentration, 8 n’en reviendront pas.

Simone Veil a écrit dans une Vie : « Venus de tous les continents, croyant et non-croyants, nous appartenons tous à la même planète, à la communauté des hommes. Nous devons être vigilants et la défendre non seulement contre les forces de la nature qui la menacent mais encore davantage contre la folie des hommes. » Dans ce monde si chaotique ou la folie des hommes allume partout des feux, tristement sanglant, continuons inlassablement à lancer des symboles des Paix, de Fraternité et de Liberté.

Merci de votre attention.

(2) Discours de Sylvie Siffermann Sous-Préfète de Montbéliard

Nous voici tous réunis aujourd’hui pour célébrer le souvenir du 19 août 1944 où Liebvillers à rendez-vous avec l’Histoire. Le département du DOUBS et plus particulièrement le Nord du Doubs est une terre riche d’histoire de résistance mais elle est également riche de transmission et de rappel au Souvenir.

Entre le 15 et le 19 aout 1944, des résistants et des FFI de toute la région sont montés au LOMONT, dans les forêts de Liebvillers et parmi eux des rescapés du maquis d’ECOT. Les groupes Schwalm de Bart et Scheinter de Sochaux quittent le maquis d’Ecot le 18 août et se retrouvent en fin d’après midi à la Combe de la Cude sur la commune de Noirefontaine. Sous les ordres du capitaine Bahisson, une compagnie de 80 maquisards monte et bivouaque sur les rochers de Liebvillers. La matinée du 19 août se passe à démonter et remonter l’unique mitraillette pendant que les chefs descendent en reconnaissance sur Liebvillers. Deux groupes de volontaires se forment, le premier est en charge de ravitaillement en eau et en vivres, le second ira chercher des armes parachutées par les avions alliés au Fort du Lomont.

Les Allemands alertés par les Va et vient sur la zone prennent en otage l’adjoint de la commune de Liebvillers Anatole Girardot et l’instituteur Samuel Beaudroit qui descendaient de Montéchéroux à vélo. Les six hommes de corvées d’eau et de vivres se retrouvent nez à nez avec les Allemands et sont faits également prisonniers aux côtés des deux premiers otages. Une habitante du village Henriette Racine n’hésitera pas à braver l’interdiction des Allemands pour porter de l’eau aux prisonniers retenus en plein soleil. Puis les Allemands montent au Roulet et tombent sur la deuxième équipe en charge de trouver des armes. Alexis Rose qui piochait ses pommes de terre essaie vainement de prévenir les maquisards. Un des résistants, Pierre Tissot est tué et 3 de ses camarades (Oudot, Montagnon et Chariot) sont fais prisonniers. Tous les prisonniers de ce jour sont envoyés pour interrogatoire à Belfort puis expédiés au camp de RAVENSBRUCK. Deux seulement reviendront du camp de la mort.

Nous commémorons un bien triste anniversaire mais nous portons aussi par notre présence ce jour un message fort d’hommage à ces combattants. Nous portons le message fort de ceux qui se sont dressés contre le nazisme, contre son fanatisme, contre cette idéologie violente, totalitaire, exclusive, raciste et antisémite. Ceux qui se sont sacrifiés pour notre Liberté. Il nous faut sans relâche porter les valeurs de la Résistance, de respect, d’ouverture et lutte contre l’obscurantisme. Ces valeurs de Liberté, Egalité et fraternité, ces valeurs qui font notre république et qui doivent inlassablement aujourd'hui plus que jamais être portées et défendues devant le Monde entier.

Vive La république, Vive la France

(3) Intervention de Raymond Pépier Maître de cérémonie

Mesdames, Messieurs en vos grades et qualités

Comme vous l’aurez compris je suis membre de l’association Mémoire et Souvenir de la Résistance dans le Pays de Montbéliard et du Lomont. Je ne peux pas commencer mon intervention sans avoir une pensée pour le Lieutenant-colonel Guy Baguerey qui nous a quitté récemment. Notre ancien président était un défenseur indéfectible des commémorations patriotiques et du devoir de mémoire et en particulier dans le cadre de notre association la transmission vers les jeunes générations des actions, le sacrifice de leur vie pour certains, des résistants du Pays de Montbéliard.

15 août 1944, 6 septembre 1944 : le Maquis du Lomont. Le travail des historiens est terminé, nous savons combien il a été complexe de retrouver la véracité des faits entre :

  • les témoignages des acteurs qui diffèrent en fonction de leur sensibilité personnelle, politique et de leur propension à vouloir être sur le devant de la photographie.
  • la vérité de chacun.
  • les antagonismes et la difficulté des relations humaines.
  • et les archives. 

Certes il y a eu des résistants qui ont combattu les armes à la main, des résistants actifs dans les réseaux, mais je suis certain que nombre de personnes furent comme Monsieur Jourdain "ils ont fait de la résistance sans le savoir" rien que dans leur manière de vivre leur quotidien.

Personnellement, qu’aurais-je fait, si j’avais vécu ces moments ? Est l’un de mes questionnements sur cette période troublée.

Je n’en sais rien et je n’ai pas de réponse précise. Ma connaissance du contexte n’est forcément pas une image vraie du quotidien des femmes et des hommes qui vécurent ces événements. De plus il faut se méfier des jugements à postériori.

A l’occasion des sorties scolaires que j’accompagne, quand nous sommes sur le chemin de la tour carrée juste au dessus des fermes de Brisepoutot, je me pose la question : aurais-je été volontaire pour participer à l’attaque des "mohicans" : pour courir sur un glacis de plusieurs centaines de mètres avant d’atteindre les fermes.

Une autre de mes interrogations concerne l’organisation, la logistique et la formation militaire. Nous sommes dans une période de pénurie et de restrictions. Que mangeait un maquisard ? Où s’approvisionnait-il ? Il faut une grosse boulangerie pour fournir du pain pour 3500 à 3800 hommes ! Peut-être des réquisitions forcées, de faux tickets de rationnement, l’adhésion à la cause. Laissons là ces considérations organisationnelles et roboratives.

Mais assurons-nous que la transmission de la mémoire continue en direction de la jeunesse, les décideurs de demain. Jeunesse à qui nous essayons de donner des éléments pour leurs prises de décisions futures.

Je vous remercie

Date de dernière mise à jour : 12/09/2024