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Dimanche 2 octobre 2022, hommage aux Morts du Bois de Dasle à Audincourt

En ce dimanche matin 2 octobre 2022, sous une légère pluie fine automnale, se déroulait dans la petite clairière du bois jouxtant la Départementale 126 reliant Audincourt à Dasle, un hommage aux fusillés en ces lieux lors de l'automne 1944, à l'endroit même où est implantée la stèle Ohlgiesser et Demany. En présence des musiciens de la "Vigilante d'Audincourt" et de sept Porte-Drapeaux, plusieurs représentants des associations patriotiques et élus participaient à cette commémoration en souvenir de ces patriotes assassinés ici même.

Mr le Maire Martial Bourquin était excusé, mais on notera la participation de Mme Myriam Chiappa-Kiger conseillère régionale, de Mr Damien Charlet conseillé départemental,  de Mme Christine Métin Maire adjoint en charge de la Mémoire et de la Vie Patriotique et de ses collègues Mmes Céline Durupthy et Isabelle Redler. Respectant la tradition, cette cérémonie réunissait aussi plusieurs membres de Mémoire et Souvenir de la Résistance du Pays de Montbéliard et du Lomont avec les Porte-Drapeaux Mrs Jean Barbet et Raymond Dorier. Le lieutenant-colonel (er) Guy Baguerey étant engagé par ailleurs, c'est Marcel Anthoine, le Vice-Président de l'association et représentant de l'Ordre National du Mérite, qui le remplaçait. On notera la présence d'autres membres de l'association MSRPML, Mme Raymonde Mathieu, le lieutenant-colonel (er) Raymond Pépier, de Mrs Jacky Bourlier et Jean-Claude Dupré ; fidèle de cette commémoration, Mr Jean-Pierre Marandin, l'historien de l'association s'était excusé pour raison de santé.

La cérémonie était aux ordres de Mr Jacky Bourlier qui officiait en tant qu'ordonnateur du cérémonial.

Accueil : « Aujourd’hui, nous sommes réunis pour rendre hommage aux Fusillés du bois et de la route de Dasle qui ont été sauvagement assassinés par la Gestapo, accompagnée de la Milice Française. Pour la route de Dasle, il s’agit de Bernard Robert, marié père de 3 enfants ; ouvrier syndicaliste exemplaire C F T C  ; de Defaut André, 18 ans, célibataire, employé de banque ; Domon André, 18 ans, célibataire. Ils furent abattus * le 2 Octobre 1944, à l’entrée du bois à la sortie d‘Audincourt, où une gerbe a été déposée ce matin. Ils faisaient partie de la section F.F.I. BADEL. Où l'on se trouve en ce moment est l'endroit où ont été retrouvés deux cadavres ** le 26 septembre 1944 dans un état de putréfaction avancée. Ils s'agissaient du Lieutenant OHLGEISSER Frédéric et de DEMANY Hervé. Garde à vous. »

Dépôt de gerbe de la municipalité d'Audincourt par Mmes Christine Métin, Isabelle Redler et Mr  Damien Charlet.

Honneur aux Morts : Sonnerie aux Morts - Minute de Silence - La Marseillaise - Repos.

Prise de parole de Mme Christine Métin :

« Avant de commencer, je voudrais excuser Martial Bourquin, Maire d’Audincourt qui ne peut pas être parmi nous ce matin. Je suis très honorée de le remplacer pour cette cérémonie très importante pour Audincourt. Si nous sommes réunis, en ce dimanche matin pluvieux, c’est pour nous souvenir ensemble et rendre hommage à cinq résistants qui ont été fusillés entre le 26 septembre et le 2 octobre 1944 par la Gestapo accompagnée par la milice française. L’automne était-il plus clément, en 1944 ? L’histoire ne le dit pas, mais l’espoir est là, à portée de fusil. L’espoir avec les débarquements de Normandie et des Côtes de Provence en juin, la libération de Paris le 25 août. Plus proche de nous : Maîche est libérée le 5 septembre et Besançon le 8. Pour les Audincourtois et les habitants du pays de Montbéliard, la Libération semble si proche mais aussi tellement lointaine. Depuis trois semaines, tout semble bloqué, à l’arrêt. La peur légitime remplace l’espoir. Les troupes allemandes, acculées et menacées, rendent l’occupation de plus en plus atroce. Les scènes d’horreur deviennent courantes. Les représailles et les exécutions se multiplient. Frédéric Ohlgiesser, Hervé Demany, Robert Bernard, André Defaut et André Domon font partie de ces dernières victimes.

Cette cérémonie nous ramène inlassablement vers ces combattants, qui ont donné leur vie pour notre liberté. Comme le disait Aragon, ils n’ont rien réclamé. Ni la gloire, ni les larmes, ni l'orgue, ni la prière aux agonisants. La mort n’éblouit pas les yeux des partisans.

Nous sommes réunis pour célébrer la résistance, l’esprit de résistance. Nous sommes réunis pour ne pas oublier que ces hommes et ces femmes ont incarné jusqu’au bout les valeurs de liberté et de fraternité. Nous leur devons- encore aujourd’hui - notre liberté. Qu’ils soient assurés, ainsi que leurs familles, de notre admiration et de toute notre reconnaissance vis-à-vis de leur engagement, du courage et de la volonté dont ils ont fait preuve. Leur rendre honneur, c’est aussi nous rappeler le sens de leur engagement. 

En tombant, dans ce bois, ces jeunes hommes, ce père de famille ont donné corps à la Résistance, face à la trahison, face à la bassesse, face à la dénonciation, face aux épouvantables crimes contre l’humanité. Ils se sont dressés. Durant cette période tragique de l’histoire de notre pays, des femmes et des hommes ont subi l’exclusion, la prison, la torture, la déportation vers les camps d’extermination, les exécutions sommaires comme ici, dans cette clairière. Leur courage, leur choix de résister, leur engagement sans faille nous permettent d’être toujours debout et déterminés pour prolonger sans relâche leurs combats pour les valeurs de notre République - Liberté - Egalité - Fraternité.

Faisons en sorte qu’ils ne soient pas morts pour rien. Soyons dignes de leur sacrifice. En refusant les discriminations, toutes les discriminations. L’antisémitisme, le racisme, l’homophobie. En ayant un peu de leur courage, pour s’opposer et aussi dire non lorsque l’actualité nous met à l’épreuve. Aujourd’hui, des femmes, en Iran, sont prêtes à donner leur vie pour la liberté de leurs congénères, Aujourd’hui, l’Italie mais aussi d’autres pays européens renouent avec le fascisme et l'extrême droite, Aujourd’hui, la guerre fait rage en Ukraine, Aujourd’hui comme hier, Audincourt accueille des femmes et des enfants en 1939 d’origine espagnole et aujourd’hui d’origine ukrainienne fuyant l’horreur. L’histoire se répète… nous sommes au pied du mur, une guerre ou une crise peuvent nous faire basculer à tout moment dans l’obscurantisme, dans le rejet de l’autre, dans la barbarie. Nous, quel camp choisirons-nous ? Alors, plus que jamais l’écho de la voix de tous ces résistants - certes d’un autre siècle - ne doit pas faiblir. Elle doit résonner en nous pour toujours. »

Le "Garde à vous" est suivi du "chant des partisans" repris par l'assemblée.

La cérémonie se termine par les remerciements d'usage aux Porte-Drapeaux, à toutes les personnes présentes en ce lieu, les élus, les représentants des familles des fusillés, des associations patriotiques, la "Vigilante" et de tout le public présent malgré le temps maussade.

 

* Ils furent abattus le 2 Octobre 1944 à Audincourt à l’entrée du bois direction Dasle sous les yeux de BADEL Jean at DUPOND Pierre. Ceux-ci furent abattus le 13 Octobre 1944 à Bethoncourt avec Elie BREUILLOT. Recrutés dans les milieux catholiques et syndicalistes, furent arrêtés le 25 et 26 Septembre 1944 avec trois autres Montbéliardais KURTZ, WEBER , X et le frère d'André DOMON, Bernard, qui se trouve interpellé à la place de son père Henri. X, Richard Henri et Bernard DOMON rentreront de déportation. Gardons en mémoire le sacrifice de ces jeunes FFI. La section FFI BADEL comptera 5 fusillés et 3 déportés qui rentreront de déportation. Se reporter à : Le Pays de Montbéliard 1944. Lutte armée et répression - Volume 2, Résistances 1940-1944. Jean-Pierre Marandin.

 

** Le 2 Octobre 1944, Frédéric OHLGEISSER et Hervé DEMANY furent exécutés par des miliciens du Kommando du S.D de Chalons-sur- Saône et Autin replié à Montbéliard début Septembre 1944. Frédéric OLHGEISSER, citoyen Roumain né en 1918, arrive en France en 1937, prépare un brevet d’ingénieur qu'il passe en 1940. Il gagne LYON à partir de 1942 et s’y livre a des activités de Résistance. En Novembre 1943, il se replie à Ste SUZANNE dans sa belle-famille et avec son beau-frère Robert GUENOT , il rejoint le groupe MONTBELIARD. Pendant le maquis d'ECOT, il accomplit de façon quotidienne les missions de Renseignements et de liaisons avec Louis HARTMANN. II dirige un groupe de 97 personnes (Observateurs, Saboteurs et 27 femmes qui font du Renseignement ainsi que du déplacement d’Armes et Explosifs)... 

Le 06 Septembre à 11h45, tombe dans un guet-apens, victime des agissements d'un sinistre français. Il est fait prisonnier. Rapport sur la disparition de Frédéric Ohlgisser, le 13 Mars 1945, 5ème Bureau, poste de MONTBELIARD. A. Pr. « Du 6 septembre 1944 au 1er mars 1945, malgré les recherches, aucune trace de présence n'avait été relevée en sa faveur. Le 26 septembre 1944, deux cadavres étaient découverts sur la gauche de la route d'Audincourt – Dasle dans un état de putréfaction avancé. Les cadavres furent inhumés au cimetière d'Audincourt, rue de Dasle, le 3 octobre 1944. Le 2 mars 1945, madame Ohlgiesser se présentait au 5ème Bureau pour nous dire qu'elle était sans nouvelle de son mari depuis le 6 septembre... Nous lui avons conseillé d'aller au Commissariat d'Audincourt pour voir si elle reconnaitrait un morceau de tissu prélevé sur un cadavre... Nous décidons enfin d'aller interroger le milicien Anthoine détenu à la maison d'arrêt de Montbéliard, qui opérait avec la Gestapo depuis les premiers jours de septembre 1944... Sans aucune contrainte de notre part, il avouait que Ohlgiesser, arrêté le 6 septembre en bras de chemise, avait été conduit au château Mattern... Ohlgiesser, après quelques heures d'interrogatoires et de torture dut transféré à la Maison d'arrêt le lendemain. Vers la fin du jour, une voiture et une camionnette vinrent à la prison chercher Ohlgiesser et un inconnu également détenu (1). Les deux voitures se dirigèrent vers Audincourt, puis Dasle. L'expédition était dirigée par Krueger, accompagnée par les miliciens Anthoine, Guillais, Vayeux et Lebrun (2). Arrivé sur les lieux de l'exécution, Krueger fit stopper et dit à Ohlgiesser et son camarade : "vous êtes libres, vous pouvez partir". A ce moment, Anthoine et les trois autres miliciens déchargèrent leur mitraillettes sur les deux malheureux. Le coup de grâce fut donné par Lebrun.

Notes : (1) Le 2ème cadavre découvert s'appelait DEMANY : Maquisard du Lomont, Hervé Demany, 21 ans et demi, avait été capturé à Pont-de Roide le 4 septembre au cours d'une mission de liaison. (2) Les Français Edmond Anthoine, Roger Guillais, Georges Lebrun, Vayeux font partie du Kommando du S.D. de Chalon-sur Saône et Autun replié à Montbéliard début septembre 1944. Le sinistre Robert GERVAIS sera exécuté en juillet 1947, après une cavale qui dura plusieurs mois.

Informations et rapport sur la disparition de Frédéric Ohlgisser tirés de l'ouvrage Le Pays de Montbéliard 1944, Lutte armée et répression, JP Marandin, pages 188-192.

Date de dernière mise à jour : 22/10/2022